(The real story about the beach of love)
Il suffit parfois d’un dimanche pluvieux, certes rares en Côte basque, pour que, alors, que tu es en train de chiller mollement sur ton sofa, cette question fondamentale s’agrippe à ton esprit tourmenté :
“Mais que s’est-il réellement passé à la Chambre d’Amour d’Anglet le 12 avril 1694 sur le coup de 16h ?”
Les protagonistes de l’affaire se prénomment Saubade et Laorens, prénoms beaucoup plus usités, et donc moins ridicules, à l’époque.
La jeune Saubade, dont les anglophones affirmaient qu’elle était “not so bad” vivait à Anglet et était la fille d’un riche pasteur moralement assez austère à coté duquel Christine Boutin aurait pu fait figure de grande dépravée.
Laorens, lui, était un fier gaillard d’Ustaritz toujours chaussé d’espadrilles, de son béret, de son tee-shirt 64 et venait régulièrement pécher (et pas pécho) sur les plages angloyes dont les eaux regorgeaient, déjà à l’époque, de morues, de thons et même de bonnasses bonnites..
Le drame, c’est que la famille de Saubade était relativement pétée de tunes et son papa-pasteur était le président des socios du Biarritz Olympique alors que Laorens était orphelin, pauvre et supportait l’Aviron Bayonnais.
Pour la différence de fortune, on aurait pu encore s’arranger…
Donc les Romeo et Juliette de la Côte basque en étaient réduit à se voir en cachette, Laorens passant ses nuits à jouer du Txitsu sous les fenêtres de Saubade alors que le pasteur dormait profondément en rêvant d’une hypothétique remontée en Top14.
Un beau jour, (ou peut-être une nuit) nos tourtereaux lassés de ces rendez-vous nocturnes romantiques mais, néanmoins, fort platoniques, choisirent de se retrouver sur la plage face à l’océan.
A cette occasion, Laorens avait dessiné, sur le sable, le doux visage de Saubade qui lui souriait. Le chanteur Christophe qui passait par là, invité par le bailli d’Anglet pour un concert gratuit dans le but d’offrir moults réjouissances à la population locale, nota l’idée pour une future chanson.
Le soucis, c’est que pour se dissimuler, les immenses plages d’Anglet ce n’est pas forcément l’endroit idéal. Rappelons qu’à l’époque, le VVF et le “Love” n’étant pas encore construits, les “nids d’amour” se faisaient assez rares dans le secteur.
Rappelons aussi – l’incidence du fait n’étant pas négligeable pour le reste de notre histoire – que la commune n’avait pas encore investi dans une superbe dragueuse destinée à renflouer en sable blanc les plages angloyes et que ces dernières étaient intégralement recouvertes à marées hautes. Surtout celle situé au pied des falaises, au lieu dit “La chambre”. (on ne l’appelait bien évidemment pas encore “La Chambre d’Amour” à l’époque).
Et, évidemment, c’est cette plage, ou plutôt une anfractuosité dans la roche que les autochtones avaient baptisé avec une originalité déconcertante “la grotte” que choisirent Saubade et Laorens pour abriter leur passion dévorante.
Hélas, ces deux écervelés avait commis deux erreurs dramatiques :
- Ils n’avaient pas checké les horaires de marée annonçant une marée haute avec coef de 115 pile-poil deux heures après leur arrivée sur la plage. (horaires de marée qui sont pourtant fournis gratuitement à l’office de tourisme depuis 1345)
- Ils n’avaient pas regardé Evelyne Dhéliat qui, la veille au soir, annonçait une houle très nettement supérieure à la normale et pariait même sur un hypothétique Belharra.
La légende raconte que les deux amants s’assoupirent et n’entendirent pas la marée monter, les vagues lécher (aussi) les falaises et se retrouvèrent prisonniers de la grotte. Quand l’eau atteignit enfin leur repaire et qu’une vague les en eut chassé, ils restèrent longtemps, enlacés, emportés par les flots en furie entendant à peine les pales de l’hélicoptère de secours, mais qui, hélas, arriva trop tard, envoyé par un touriste salace qui observaient leurs émois à la jumelle depuis le phare de la ville voisine dont j’ai oublié le nom.
Nous avons d’ailleurs recueilli pour BFMTV, le témoignage de ce dernier :
“Tout est submergé, partout la mer la mer terrible s’ouvre en abîmes ou s’élève en montagnes; les flots le poursuivent et le rejettent avec fureur dans l’enceinte du rocher qu’ils remplissent à la hauteur de pointe où la jeune amante les brave encore; elle présente la main à Laorens pour remonter près de lui, le serre contre son cœur et l’embrasant de tout son courage : Vois-tu, lui dit elle, cette vague qui s’avance en mugissant c’est la mort… Elle dit : leurs bras s’enlacent, leurs bouches s’unissent et la mer a dévoré sa double proie.”
Alerté par ce drame, le bailli de l’époque décida d’acquérir une dragueuse de sable, un fanion triangulaire de couleur rouge, autorisa la construction d’un gros bâtiment pas très beau pour protéger la falaise des vagues et donna le nom de Chambre d’amour au quartier entier.
Le dit quartier devint un lieu de pèlerinage pour les amoureux du monde entier et à cette occasion, un nombre sans cesse croissant de débits de boissons aux noms parfois évocateurs (La Choppe, la Bitch House, le Love, le Rayon vert) y virent le jour.
La morale de cette triste, mais néanmoins émouvante histoire, c’est que les histoires d’amour finissent mal, en général, surtout quand la houle est forte et les coefs de marées importants.