Bayonne et ses rivières, c’est un autre monde…
L’un des plus grands charmes des environs de Bayonne est dû à ses deux rivières, qui font serpenter leurs nappes étincelantes au milieu de la plus riche végétation. L’Adour et la Nive se confondent à Bayonne et c’est probablement à cette réunion que la ville doit d’avoir été crée sur le point qu’elle occupe encore aujourd’hui. C’est surtout des coteaux de la citadelle que l’on a la plus belle vue.
Sur ces derniers, l’Adour chargée de vaisseaux et de barques de toutes sortes ; à gauche, le magnifique pont de pierres de Saint Esprit et, plus loin, les coteaux verdoyants de Mouguerre. En face, la Nive, avec ses quatre ponts, pénètre dans la ville, qu’elle sépare en deux parties à peu près égales, tandis qu’au-dessous de la masse confuse des maisons se détachent, chargées de sculptures, les deux flèches de la cathédrale.
C’est à une vingtaine de kilomètres au nord de la chaîne principale des Pyrénées que coulent les premières eaux de l’Adour. Cependant, les sécheresses ne permettraient pas au fleuve de couler continuellement si le réservoir du lac Bleu n’était pas là pour le régler à volonté. Ce travail exécuté il y a peu d’années par des ingénieurs français, est tout moderne. L’Adour se jette dans l’océan après un cours 280 km. Avant de se joindre avec la Nive, il reçoit la Midouze, les deux Luz, le Gave de Pau, la Bidouze et la Joyeuse.
Une citation de Lucain, nous apprend que les galères trouvaient dans le port de Bayonne un refuge assuré contre les tempêtes de l’océan, et vers le XIIe siècle fut construit le premier pont Saint Esprit .
Pendant tout le Moyen âge, le port de Bayonne est très fréquenté, et le commerce que la ville fait avec les étrangers l’enrichit rapidement. Lorsque, enfin, à une époque dont la date exacte est presque indécise, l’embouchure fut obstruée à la suite d’une violente tempête, et le fleuve refoulé, se creusa un nouveau lit le long du littoral. Les sables, soulevés par le vent, où amenés par la mer, produisirent quelques obstacles insurmontables à la navigation. Alors, à l’époque des grandes crues, le fleuve ne tardait pas à inonder les campagnes environnantes malgré les interventions d’un Plombier Depanneo à Bayonne.
En 1556, les plaintes des Bayonnais parvinrent auprès de l’autorité souveraine. L’attention du roi Henri II se portera sur l’état des choses, mais sans qu’on put arriver à aucun bon résultat. Un certain capitaine Fayol avait été chargé de conduire les eaux de l’Adour au golf de Capbreton ; mais malgré les sommes considérables dépensées, on fut obligé d’abandonner les travaux.
Lorsque le roi Charles IX vint à Bayonne, il chargea le célèbre Louis de Foix, qui revenait d’Espagne, d’ouvrir une nouvelle embouchure au fleuve de l’Adour. Il lui fut soumis plusieurs projets, entre autres un travail préparé par un ingénieur basque, nommé Domingo de Iparaguirre, mais aucun ne convint à Louis de Foix.
Après un consciencieux examen des lieux, il se résolut à creuser un nouveau canal au fleuve et à l’obliger à se jeter directement dans la mer. Il fit élever une forte digue, à l’endroit où le fleuve déviait vers le nord s’enfonçait dans les sables, et le força à changer de direction.
Trois fois cet ouvrage fut entièrement détruit ; au dernier moment, les eaux refluèrent vers leur source et couvrirent une immense étendue de pays. On prétendit même que l’on fut obligé d’amarrer des bateaux aux fenêtres du premier étage des maisons de Bayonne. Enfin, lorsque tout semblait perdu, une crue extraordinaire chassa les sables et dirigea l’Adour vers l’océan, au point que s’était proposé Louis de Foix. Cet événement eut lieu le 28 octobre 1578. Louis de Foix fut généreusement récompensé.
Le lit de l’Adour, à quelque distance en amont de Bayonne, est semé de jolies îles.
Le samedi 24 juin 1565, une foule considérable se pressait sur les bords de l’Adour pour assister à l’embarquement des cours de France et d’Espagne. Une fête maritime était offerte par Charles IX à sa jolie sœur Élisabeth de Valois, reine d’Espagne, et de nombreux vaisseaux attendaient à l’endroit où se trouvent aujourd’hui les Allées Boufflers.
Afin de couronner les tournois, le roi de France voulu terminer par un repas champêtre et avait fait élever un pavillon de 12 à 13 toises, sous la forme d’une salle octogonale, dans l’île de Lahonce. Une longue et large allée fut pratiquée au bord de l’île jusqu’au point désigné pour la réunion. Cette allée avait été sablée et ses côtés plantés d’arbustes. Leurs majestés, et toute la Cour, montèrent une grande galiote et se dirigèrent vers l’île. Le roi, la reine d’Espagne et la Reine Mère, Monsieur, frère de roi, Madame et le Prince de Navarre prirent place à une table ronde, et ils furent servis par des bergers et des bergères. A la fin du repas, neufs nymphes, accompagnées de violons, dansèrent un ballet qui fut fort admiré. La nuit étant arrivée, la Cour remonta sur la galiote toute chargée de lumière et revint à Bayonne ou Leurs Majestés furent reconduites dans leur palais à la lueur des flambeaux.
Au-dessus du pont Saint Esprit, tant de fois enlevé par les eaux irritées du fleuve, l’Adour s’élargit et le Réduit trempe ses pieds de granit au confluent des deux rivières. C’est le port proprement dit. C’est le port central de Bayonne ; c’est de ce point que partaient ses nombreux corsaires. C’est là aussi que se trouvait placé, à la pointe extrême du Réduit, ce singulier navire appelé dans le langage du pays » le Corau barbotat » et qui n’était autre chose qu’une canonnière blindée.
Parlerons-nous de ces fêtes magnifiques données sur l’Adour en l’honneur de la signature des préliminaires de la paix, le 20 brumaire de l’an X, et dans lesquelles la deuxième partie fut terminée par une fête nautique ou plutôt par un combat naval auquel tous les officiers et capitaines de la marine avaient été invités à prêter leur concours.
Lors du séjour de Napoléon à Bayonne, il se passa avec un capitaine de corsaire armé par la ville et mouillé au bas de l’Adour, une très curieuse anecdote.
Un soir, en revenant d’une représentation de gala, Napoléon monta dans une embarcation et se fit conduire, au milieu de la nuit, dans le bas de l’Adour, où se balançait sur ses ancres un beau et fin corsaire. C’était » l’Amiral-Martin » commandé par Darribeau, auquel il confia une mission de la plus haute importance pour les Antilles françaises. Après lui avoir recommandé de jeter ses dépêches à la mer s’il était pris par quelques croiseurs anglais, l’Empereur lui annonça qu’il assisterait en personne à l’appareillage. Le lendemain matin Napoléon monta à bord de l’Amiral-Martin, et renouvela ses recommandations à l’intrépide corsaire. Trois heures après sa sortie, il était poursuivi par une frégate, et les canons de chasse se mêlaient déjà de la partie, lorsque, jetant son artillerie par-dessus bord et se déchargeant de ce poids considérable, il put distancer de beaucoup le croiseur et disparu à l’horizon. Deux mois s’étaient écoulés depuis le départ de l’Amiral-Martin, et l’Empereur visitait un jour les travaux de la Barre, lorsque le pilote Major, M. Bourgeois, une figure presque légendaire, avec lequel il s’entretenait à ce moment, lui annonça que le sémaphore arborait les signaux d’un navire français se dirigeant vers l’embouchure de l‘Adour et chassé par toute la croisière anglaise.
C’était l’Amiral-Martin. Le visage de l’Empereur se rembrunit, car il ne pouvait croire à une si grande rapidité de marche. Pendant ce temps, l’Amiral-Martin avançait toujours : la frégate anglaise s’était arrêtée et la corvette qui avait continué sa course, venait à son tour de virer de bord ; mais le brick, que son faible tirant d’eau rendait plus téméraire, poursuivait le corsaire en lui tirant sans relâche des coups de canons.
Enfin, l’Amiral-Martin atteignit l’entrée du fleuve, qu’il traversa comme une flèche, tandis qu’un signal du pilote Major ordonnait au capitaine de mettre pieds à terre sur-le-champ. Il obéit et présenta à l’Empereur qui n’en pouvait croire ses yeux, un pli cacheté contenant la réponse du gouverneur de la Martinique.
Le corsaire avait fait la traversée en 58 jours. Lorsque l’Empereur lui demanda ce qu’il désirait, le capitaine Darribeau refusa toute récompense, car l’Empereur avait douté de sa parole et l’avait cru capable d’avoir manqué à son devoir.
Peu d’années après, le même coin de rivière, au lieu d’être le but constant de fêtes magnifiques et de promenades de l’Empereur et de la Cour, devait être le théâtre d’un sanglant combat.
Nous sommes en 1814. Wellington songeait à jeter un pont sur l’Adour pour se rendre maître de sa navigation. Il avait fait couronner les hauteurs d’Anglet par les gardes à Pieds et l’infanterie allemande. Au commencement des opérations, sir John Hope n’avait avec lui que deux divisions anglaises, deux divisions espagnoles, trois brigades d’infanterie anglo-portugaises et la brigade de cavalerie de Vandeleur, le tout montant environ à 28000 hommes et 20 pièces de canons.
Dans la nuit du 22 février, la 1ère Division ayant si pièces de 18, quitta la position qu’elle occupait près d’Anglet et s’achemina vers l’Adour. Au point du jour, toutes les troupes arrivèrent sur les dunes. Les postes français furent alors repoussés et rentrèrent dans le camp retranché de Beyris ; l’équipage de pont et de l’artillerie de campement furent amenés sur l’Adour, en face du village du Boucau, et l’on mit les pièces de 18 en batterie sur le rivage. Pendant ce temps, les troupes légères se rapprochèrent des marais qui couvraient la droite du camp français, et la division de Don Carlos, sur les hauteurs d’Anglet exécuta, de concert avec les brigades détachées qui se trouvaient à Arcangues et au pont d’Urdain, de fausses attaques pour attirer l’attention de l’ennemi, tandis que la 3ème Division en faisait autant au-delà de la Nive.
On avait pris les mesures nécessaires pour que les chaloupes canonnières et les chasse-marée pussent arriver à l’embouchure de l’Adour en même temps que les troupes ; mais le temps étant devenu contraire, on ne vit apparaître ni les uns ni les autres. Néanmoins sir John Hope, qu’un contretemps n’était pas capable d’arrêter, se résolut de tenter le passage avec le seul secours de son armée. On avait embossé, au milieu de l’Adour, une corvette de 24 canons (la Sapho). 20 chaloupes canonnières, portant chacune quatre canons de 18 et de 24 avaient été armées. 6 de ces chaloupes avaient été mouillées près de la Sapho, afin de soutenir son feu, les 6 autres étaient allées au Boucau rejoindre un bâtiment appelé le « Stationnaire » et qui devait, tout en observant la rive gauche, interdire l’entrée de l’Adour à tous les petits bâtiments.
Le 23 février, à 7 heures du matin, l’ennemi démasque une batterie de 7 bouches à feu de gros calibre, qu’il a élevé sur la rive gauche de l’Adour, au fond de l’anse de Blancpignon. Le feu de cette batterie se dirige sans interruption contre la Sapho, qui prise dans le sens de sa longueur ne peut riposter un seul coup avec avantage, ni remonter l’Adour. Le capitaine Repaud, brave officier, qui s’est distingué dans en Inde, est blessé mortellement et meurt peu d’heures après. 13 hommes de l’équipage sont tués, beaucoup d’autres blessés plus ou moins grièvement.
C’est à midi et demi seulement que ce malheureux bâtiment entre à la remorque dans l’intérieur du port. Les 6 chaloupes canonnières ont échappé à la destruction en gagnant la rive droite. En vain, dés le commencement de l’action, les redoutes des Fusillés et de la Pointe Supérieur, la batterie basse de l’Adour, les batteries du Bastion de la Citadelle et de la Contre-Garde, ont réuni tout leurs feux contre l’ennemi : celui-ci est hors de portée ou couvert par d’épaisses dunes. En même temps, et quoi que les auteurs anglais n’en aient pas fait mention, d’innombrables fusées à la congrève sont lancées en partie sur la ville, qu’elles ne peuvent atteindre à cause des vents contraires, en partie sur le parc de la marine, où elles ne causent aucun dommage, quoi que cet établissement regorge de matières combustibles.
Si on laisse la route qui conduit à la Barre et que l’on prenne, à droite, un chemin qui monte en serpentant à travers les dunes, on ne tarde pas à dominer tout le pays, et l’on voit se dérouler devant soi le plus merveilleux paysage.
À droite, où s’est passé le drame sanglant, et dans le fond, la jolie ville de Bayonne. Devant soi, les coteaux verts de Saint Étienne et les bastions de la Citadelle. À gauche les maisons blanches du Boucau qui se transforment d’une manière redoutable pour Bayonne depuis l’installation des forges de l’Adour. Ce fut un peu au-dessus de ce village que l’armée des alliés jeta, en 1814, un pont de bateaux, travail qui a été considéré comme un acte d’une hardiesse inouïe.
L’entrée de l’Adour était devenue difficile parce que les vents avait soulevé la mer et que les Français avaient enlevé le signal sur lequel se dirigent les bâtiments qui pénètrent dans la rivière. En tête de la flottille anglaise s’avançaient les chaloupes des vaisseaux de guerre. Après des dangers effrayants, les navires réussir à pénétrer dans l’Adour, non sans plusieurs naufrages, où des équipages entiers périrent dans les flots. La rive droite était déjà au pouvoir de l’armée anglaise, et on travailla aussitôt à l’établissement du pont.
Le projet du pont et du barrage étaient deux œuvres du colonel Sturgeon et du major Todd ; mais l’exécution en fut confiée à ce dernier officier.
On plaça dans la rivière 26 chasse-marée, présentant alternativement l’avant et l’arrière, espacés de 40 pieds d’axe en axe et reliés entre eux par des cordes, puis on porta en travers de leurs ponts deux forts câbles non tendus, dont les extrémités, passées par-dessus les murs du quai, furent ensuite tirées et fixées de différentes manières sur les deux rives.
Le barrage, retenus par des ancres en amont et en aval, se composait d’une double rangée de mâts assujettis ensemble par des chaînes et des câbles, de manière à former une série de carrés, afin que, si un bâtiment venait à briser la ligne extérieure, il se trouva rejeté, par la force du choc, dans l’intérieur d’un carré et s’embarrassât dans les débris flottants de la ligne rompue.
On disposa des chaloupes canonnières destinées, de concert avec des batteries élevées sur le rivage, à protéger le pont, et pour écarter les brûlots, on arma de grappins en fer un grand nombre de bateaux à rames. L’agitation des eaux était ordinairement si violente dans la rivière, qu’on avait regardé comme une opération impossible d’y établir un pont au moyen de pontons. Cette opinion, qui avait prévalu chez les Français, leur avait fait négliger de prendre les mesures défensives nécessaires ; les sables changeant souvent de place, avaient donné au cours de l’Adour une direction tellement oblique vers l’ouest que pendant un assez long trajet, il coulait presque parallèlement au rivage ; la rive opposée, faisant alors l’effet d’une digue, diminuait le mouvement des flots et permettait d’employer deux forts bateaux à deux mâts pour faire transporter en sûreté la grosse artillerie et les voitures.
Il faut encore rattacher à ces faits une sorte de tradition par laquelle il aurait été constaté que le pilote Major de la Barre, M. Bourgeois, se serait embusqué avec quelques marins sur la dune de Blancpignon, près de Bayonne, dans le but de prendre Wellington lui-même ; ce dernier n’aurait paraît-il, du son salut qu’à des circonstances tout à fait imprévues.
Les eaux de la Nive, qui se confondent avec l’Adour en sortant de Bayonne, forment en cet endroit une étendue d’eau assez vaste pour avoir été appelée par nos ancêtres » la grande mer des Bayonnais « . La Nive prend sa source sur les frontières de la France et du Pays Basque espagnol et se jette dans l’Adour à Bayonne, après un parcours de 75 km. Elle n’est navigable que sur une étendue de 20 km environ, et flottable jusqu’à Saint Jean Pied de Port.
Bientôt, ses eaux légèrement écumantes, car on a traversé les nasses, arrivent sous le village de Villefranque, dont les maisons son semées le long de la colline. Un peu plus bas est situé l’endroit rendu célèbre où se trouvait le pont des Proudines, dominé lui-même par le château de Miots.
Les pêcheurs de Bayonne assurent qu’à marée basse on aperçoit encore les piles de ce pont resté fameux par un drame sanglant, mais il n’est guère possible en ceci de démêler le vrai du faut.
Parmi les plus brillants capitaines de la marine militaire bayonnaise, le brave Pés de Puyane se distinguait tout naturellement. Il fut nommé maire et vicaire, et commanda à plusieurs reprises, avec le plus grand éclat, les contingents maritimes que la ville fournissait au roi d’Angleterre.
Ce fut à propos des droits de coutumes que les Bayonnais prétendaient avoir sur les denrées et les marchandises destinées à l’approvisionnement du Pays Basque, que la guerre se déclara entre les deux peuples. La juridiction de la ville s’étendait, comme on sait, sur les rivières jusqu’au pont où remontaient les plus hautes marées. On raconte qu’à l’endroit où s’arrêtait le flux de la Nive, c’est-à-dire au pont des Proudines, situé en face de Villefranque, des gardes avaient été placés, par Pés de Puyane pour faire acquitter les droits. Mais les Basques du Labour jetèrent les soldats dans la rivière, en leur criant ironiquement d’aller vérifier par eux-mêmes si les flots montaient aussi haut qu’ils le prétendaient. Le terrible Pés de Puyane jura de se venger et attendit en silence le moment favorable.
Le jour de la Saint-Barthélemy était la fête patronale de Villefranque, et le château de » Miots » recevait de nombreux hôtes. Le maire se mit à la tête d’une troupe de soldats en armes et, profitant de la nuit, s’introduisit dans le château.
Les gentilshommes basques, surpris au milieu de leur sommeil, furent tous massacrés. Cinq d’entre eux seulement furent réservés par le maire pour un genre de supplice tout spécial. Il y avait deux de Sault, un Saint-Pé, un d’Urtubie et un Lahet.
Au matin ils furent menés au pont de Proulines et Pés de Puyane leur annonça avec une ironie féroce, qu’ils allaient être à même, avec ses gardes qu’ils avaient fait noyer auparavant, de vérifier s’il était vrai que les flots montaient jusque là.
Les malheureux gentilshommes furent attachés aux piles du pont, et la marée montante ne tarda pas à les engloutir. Toutefois, ce crime d’une violence inouïe souleva le Pays Basque tout entier, et une guerre atroce se déclara entre les deux peuples. Il ne fallut rien moins que la médiation toute-puissante du roi d’Angleterre pour faire cesser les massacres, et les Bayonnais furent obligés de payer 4000 écus, qui servirent à fonder dix prébendes pour le repos de l’âme des gentilshommes basques assassinés.
Après avoir dépassé ce coude de la rivière, si l’on suit le joli chemin bien sablé, on aperçoit à gauche les hauteurs de Marracq, couronnées par les arbres centenaires du parc.
Le long du mur d’enceinte, on distingue une petite tourelle crevassée, qui n’a jamais été qu’un pigeonnier, mais que la tradition populaire désigne comme ayant servi de prison temporaire à Ferdinand VII, lors de l’abdication des Bourbons à la couronne d’Espagne.
Un peu plus loin, on arrive en face d’une colline dans le flanc de laquelle s’entassent les jolies maisons de » Jacquemin « . C’est dans cette crête rocheuse que se trouvaient autrefois, croit-on, les carrières de Pierre qui ont servi aux premières constructions de la cathédrale et des principales maisons de Bayonne.
En se plaçant sur le pont du Génie, on a devant soi l’enfilade des ponts de Bayonne, qui font communiquer les deux quartiers entre eux.
Ils ont aussi une histoire, ces ponts. D’abord le pont Mayou, puis le pont Pannecau ou Bertaco, ainsi qu’on l’appelait au Moyen âge, qui est le plus ancien et possède une sorte de popularité. À ce dernier se rattache un châtiment singulier, destiné à la punition des filles de mauvaise vie. Une cage de fer, en Gascon « cubainhedey » était attachée au bout d’une verge placée en équilibre sur une fourche plantée à l’extrémité du pont. Au Moyen âge, il était dit que toute femme babillarde ou querelleuse devait être liée par des cordes au-dessous des aisselles, enfermée dans la cage de fer, et plongée publiquement dans l’eau : en cas de récidive, elle serait soumise à une nouvelle immersion et ensuite bannie de la ville.
Ce fut en 1573 que se passa sur le pont Mayou l’assassinat d’un échevin, ordonné par le fameux vicomte d’Orthe et qui fut exécuté sous ses yeux. Ce fut pour une affaire de sortie de grains, que la ville voulait empêcher, que ce sanglant incident se produisit. Le vicomte, furieux de voir les gens de Bayonne lui résister, vint lui-même à cheval à l’entrée du pont et y rencontra Dandoings : après une violente altercation, il le fit jeter dans la rivière par les gens en armes qui l’avaient accompagné. La ville tout entière se souleva pour venger cet affront, mais le vaillant vicomte s’était retiré » à course de cheval » dans le château, où il se tint enfermé jusqu’à ce qu’un ordre royal vint le démonter de son commandement.
Le pont Pannecau a joui d’une sorte de célébrité pendant toute la durée du XVIIIème siècle et la première moitié du XIXème siècle. Les bannes de bois dont il était bordé, et qui attirait tous les portefaix et le peuple sans ouvrage, en avaient fait une sorte de place publique où l’on allait deviser gaiement tout en se chauffant au soleil.
Le grand nombre d’auberges qui avaient été installées dans les environs, et qui étaient surtout fréquentées par les équipages de corsaires, en faisaient un lieu redoutable, théâtre de rixes sanglantes, et où les plus fortes patrouilles ne se risquaient qu’en tremblant. Aussi avait-on construit de forts corps de gardes aux extrémités du pont, toujours bien pourvues d’hommes et d’armes, et prêts à réprimer toute rébellion. Enfin, le spectacle fréquent de l’immersion des prostituées dans les fameuses cages de fer, contribua beaucoup à l’engouement du peuple pour ce point spécial de la vieille cité.
La puissante corporation des tilloliers réunissait la plus grande partie de ses tilloles au port de Pannecau situé au-dessous du pont, et que l’établissement du quai des Cordeliers a fait disparaître depuis longtemps.
Une chanson populaire, dont la plupart des couplets sont déjà oubliés, vante fort le pont Pannecau.
Il est aisé de constater que ces vers en dialecte Bayonnais sont du siècle dernier : M. Verdier, l’un des derniers maires de l’ancien régime, y est nommé, et la » gouvernante » n’est autre que la belle duchesse de Gramont, femme du gouverneur héréditaire .
Quelques bons esprits attribuent cette chanson au poète populaire Lesca.
Le premier des ponts en pierre qui ont pris la place des anciens si souvent enlevés, est le pont Mayou, commencé en 1857 par les Ponts et Chaussées, avec le concours de la ville : les trois autres suivirent de près.