Nous sommes le Vendredi 20 décembre 2024 | 136 Connectés | La citation du jour : "La sagesse est d'être fou lorsque les circonstances en valent la peine. " Jean Cocteau
Benjamin Torrezan

Les trésors cachés du terroir basque sublimés par le chef Benjamin Torrezan, au Xaya, à Saint-Jean-de-Luz

Parce que les meilleurs produits demandent du temps, des connaissances précises, et sont souvent l’héritage de traditions bien ancrées, quand il n’est pas au Xaya, restaurant dont il est désormais également propriétaire à parts égales avec Frédéric Grosbost, il est commun de trouver Benjamin Torrezan, ici, ou là, chez ses producteurs. C’est sans doute cette implication, son intérêt, et son écoute, qui lui ont permis d’accéder à des produits basques uniques. Découvrez plusieurs ingrédients, dont vous n’avez peut-être jamais entendu parlé, que le chef Torrezan intègre dans ses assiettes au gré des saisons.

La cane mularde Kriaxera, savoir faire et produits d’exception

Variété rustique, et endémique, la cane mularde Kriaxera se reconnait, au premier coup d’oeil, par son gabarit hors norme. Pesant généralement plus de 3 kilogrammes, quand les autres espèces avoisinent les 2 kilogrammes, elle est élevée en plein air, en totale liberté, au côté des cochons, dans les champs, de la naissance jusqu’à l’âge adulte, sans intervention de l’homme.

Quand il intervient, le producteur a un respect à la hauteur de sa patience pour attendre le développement parfait de l’animal. Les canes sont ensuite déplumées, à la main, à la pince à épilée ! « Ah là, on touche au divin, prévient Benjamin Torrezan lorsqu’il évoque cette cane. J’ai la sensation d’avoir de l’or entre les mains, et j’essaie de respecter le produit au maximum. L’an dernier, je me suis doté de caves de maturation. Donc, ici, je laisse les canes maturer entières pendant 3 semaines, pour proposer 2 services. Le premier met en avant la viande, son goût, sa texture. Le second met en lumière son indescriptible foie gras (notre photo). C’est un terre/mer, je l’associe à du haddoc, du jaret de veau, et à une gelée, avec un travail autour de l’olive. Le tout est accompagné d’une crème glacée à l’huile d’olive, et d’une brioche maison. »

Participer à la renaissance d’un emblème local : la châtaigne basque

Gnocchettis à la farine de châtaigne, palourdes, mélisse.

Au XIXème siècle, l’arboriculture vivrière, et plus particulièrement la culture de la châtaigne, occupaient une place centrale au Pays Basque. Mais un redoutable champignon a décimé ce beau patrimoine. Depuis quelques années, un collectif de propriétaires de parcelles arborées, a créé une microfilière, pour faire revivre cette ressource oubliée. A sa tête, un certain Benat Itoiz en est le symbole puisqu’il est le seul à exploiter le fruit de ce joyau basque. En semoule, en farine, en compotée, en confiture, en sorbet, et surtout en « chataignotto » (la châtaigne concassée remplaçant ici le riz), Benjamin Torrezan fait de la châtaigne une des bottes secrètes de sa cuisine.

La récolte des châtaignes, de souches japonaises, donc plus grosses et plus précoces que sa cousine ardéchoise, se déroule généralement de fin août à mi-octobre. On parle ici d’un produit précieux, et assez onéreux, parce qu’aucune machine ne permet d’accélérer le fastidieux travail de décorticage manuel. Une fois cet épluchage réalisé, les fruits sèchent dans un moulin, avant d’être cuits pour obtenir une surprenante farine, très fine et sucrée. « Cette sucrosité est intéressante à canaliser avec un élément plus salin. Si je prends l’exemple des gnocchettis, réalisés avec de la farine de châtaignes, les palourdes venaient apporter cette salinité. Dans ce fameux risotto au concassé de châtaignes, c’est les asperges qui avaient cette fonction apportant à l’ensemble un équilibre très agréable à la dégustation », détaille Benjamin Torrezan.

Breuil d’estives, viande et jambon d’agneau : La Race endémique Manex (Tête Noire), emblème du Pays-Basque

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Moins fertile au niveau de sa production de lait, la race endémique Manex (à tête noire) a sa propre association de sauvegarde (Buru Beltza) pour inciter les producteurs, de plus en plus rares, à la développer. Jean-Bernard Matia est l’un d’eux.

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Au mois de juin, il fait monter ses bêtes en estives, pour qu’elles puissent pâturer et se reproduire. Après que le troupeau soit redescendu, mi-octobre, c’est là que Benjamin Torrezan entre en action. Que ce soit avec la viande, avec les multiples fromages (tomme et breuil d’estives, reblochon, petit lactique) ou, depuis peu, avec le jambon d’agneau (né d’une expérimentation exclusive entre le chef et son producteur), Benjamin Torrezan a une palette de possibilités et de saveurs fabuleuse.

Si on s’attarde sur le breuil, le procédé est tout aussi intéressant que méconnu. C’est un fromage ultra écologique et sain. Lorsqu’un berger fabrique son fromage, il récupère la partie solide : le caillé. Mais l’eau d’égoutage, pauvre en matières grasses, et riche en protéines, peut être transformée lorsqu’elle est chauffée à haute température, en y ajoutant du cidre ou du vinaigre. Ce fromage blanc, à la texture crémeuse, c’est le breuil.

Le Txangurro transformé par la poésie du chef Benjamin Torrezan

Benjamin Torrezan

Pêché au cœur de l’hiver, le Txangurro (notre photo), cette araignée de mer célèbre à travers le Pays Basque, et notamment à Saint-Sebastien, grâce à sa recette à la Donostiarra (chair chaude et gratinée), est touchée par la poésie de Benjamin Torrezan au Xaya. Comme dans la majorité de ses plats, le chef y raconte une histoire, cuisine la totalité du produit, et rend gastronomique un plat simple, qui nous a tous marqués : le crabe mayonnaise. « Ici, l’araignée est servie chaude, avec ses crudités, associées à une huile d’agrumes. La mayonnaise, semblable à une bisque, est réalisée avec les têtes et les carapaces. Elle vient apporter des notes épicées. La chair, quand à elle, est emprisonnée dans un gel de consommé d’araignée », commente Benjamin Torrezan.

Autre plat à la carte, l’agneau basque en deux services raconte une balade dans le Pays Basque, entre mer et montagne. Dans le premier, on retrouve les orties (en coulis) et les herbes sauvages (en bouchée) qui rappellent ce que broutait l’agneau en pâturage. La viande étant servie ici hâchée (épaule & abas), à l’image d’un kefta. Le deuxième service, illustre aussi cet accord terre/mer qui plait particulièrement au chef. Ici le morceau principal, rôti, est rehaussé par une sauce préparée à partir des os, et avec du fouin infusé, et profite de la salinité d’anchois de Santoña. En garniture, on retrouve des asperges blanches des Landes, accompagnées d’une fine tranche de jambon d’agneau rapé, et assortis de petits dès de pieds d’agneau.

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