Poser un regard contemporain et créatif sur l’Histoire et la modernité des sociétés africaines, sur leurs relations avec le monde occidental et leur nourriture réciproque, voici ce que propose le photographe de renommée internationale Omar Victor Diop. Dans une exposition exceptionnelle programmée par la Ville de Bayonne cet été au Didam, l’artiste sénégalais devenu en l’espace de dix ans seulement l’un des grands noms de la photographie africaine contemporaine présente un travail numérique haut en couleur autour du portrait et de l’autoportrait. Cette exposition, complétée d’une riche programmation culturelle, est proposée du 13 juillet au 17 septembre au Didam par la Ville de Bayonne en partenariat avec la Galerie Magnin-A, Paris.
Héritier des grands photographes africains, Mama Casset, Seydou Keïta et Malick Sidibé, Omar Victor Diop invite, dans une création nourrie de symboles, à poser un regard nouveau sur la société africaine, sur la diversité de ses modes de vie et sur les visages créatifs du continent. Une photographie qui ouvre les yeux sur les violences du passé pour mieux engager notre monde contemporain vers l’universel et l’humain.
Le parcours d’exposition au Didam se développe sur trois salles qui présentent 45 œuvres (tirages numériques encadrés et impressions stickers) réalisées par Omar Victor Diop entre 2012 et 2021. Il valorise l’histoire et la créativité contemporaine des sociétés africaines ainsi que leurs relations anciennes et modernes avec le monde occidental ou interroge encore sur la question environnementale et nos communs naturels en devenir fragile. La proposition scénographique offre ainsi un regard sur la démarche engagée du photographe à travers ses différentes séries : « Diaspora », « Liberty », « Allegoria » et « Le Studio des Vanités ».
OMAR VICTOR DIOP
Né en 1980, Dakar, Sénégal. Omar Victor Diop vit et travaille entre Paris et Dakar. Omar Victor Diop développe un intérêt pour la photographie dès son plus jeune âge. Enfant, il est nourri par les chefs-d’œuvre de la littérature afro-caribéenne, et par des personnages tels que « Ségou » de l’auteur Maryse Condé, qui passe de l’état « d’étranger » à celui de « notable » dans une société donnée. Omar Victor Diop considère ce parcours comme étant représentatif du sien, un parcours au cours duquel il s’est retrouvé du côté des minorités qui doivent prendre exemple sur des modèles d’adaptation à des contextes différents et de nouvelles manières d’être.
Diplômé de l’École supérieure de commerce de Paris, il travaille d’abord à la British American Tobacco Afrique. Cependant, il met fin à une carrière en communication d’entreprise pour se consacrer pleinement à sa carrière d’artiste et connaît un grand succès en 2011 aux Rencontres de Bamako, biennale de la photographie africaine.
Omar Victor Diop se distingue par une œuvre qui combine les arts plastiques, la mode et le portrait photographique. Il affectionne particulièrement le mélange de la photographie avec d’autres formes artistiques, entre autres la création textile, le stylisme et l’écriture créative pour donner vie à son inspiration. Pour lui, l’art est le seul dialogue qui ne cessera jamais, un dialogue qui s’inspire constamment de ceux qui redéfinissent et choisissent leur vie future, convaincus que c’est la seule manière de sortir de l’ordinaire et de laisser une véritable empreinte sur les hommes.
Dans sa première série intitulée « Le Futur du beau », Omar Victor Diop détourne les biens de consommation et les déchets afin d’en vêtir ses modèles tout en questionnant les standards de beauté et d’élégance. S’ensuit la série « Le Studio des vanités » qui, à partir de 2012, dresse le portrait d’une génération africaine créative, ambitieuse et urbaine. Il capture le style de vie et la diversité des sociétés modernes africaines. Il s’inspire alors des grands photographes africains historiques, Mama Casset, Seydou Keïta, Malick Sidibé, ainsi que du célèbre créateur Jean-Paul Goude. Dès 2014, avec la série « Diaspora », Omar Victor Diop se met en scène en rejouant des portraits de personnalités africaines ayant marqué l’Histoire. Cette série marque le début d’une consécration internationale. La série « Liberty », en 2017, évoque et juxtapose des moments marquants de protestations Noires, événements certes distincts dans le temps, la géographie ou l’ampleur, mais que le photographe replace dans une chronologie commune, celle d’une quête de liberté trop souvent bafouée. Ces représentations sont un hommage à ceux qui aspirent à la liberté et à la dignité. L’œuvre d’Omar Victor Diop fait le lien entre l’histoire et la modernité des sociétés africaines. « Cela fait exactement dix ans que j’ai saisi un appareil photo avec l’intention de montrer la lutte de mon peuple, ses moments de fierté, son altruisme, son incroyable diversité et sa capacité d’adaptation. »
« C’est une mémoire qu’il faut célébrer et dont il faut se rappeler, parce qu’on ne peut pas gommer les passages sombres d’une histoire et ne se rappeler que des passages glorieux, sinon c’est comme ça que l’on se retrouve avec un avenir qui n’est pas réalisable. »
Dans sa dernière série, « Allegoria », débutée en 2021, le jeune photographe initie un nouveau chapitre qui aborde à travers plusieurs collages numériques la question de l’environnement et l’importance des défis climatiques que rencontre le continent africain. En une quinzaine de photographies allégoriques, il présente un futur où les images de la nature ne seraient plus que virtuelles, collées sur des fonds artificiels après avoir été extraites d’anciens ouvrages d’histoire naturelle. L’artiste y incarne l’humanité devant protéger la vie, une humanité environnée d’espèces florales et animales bientôt disparues, soucieuse de ne pas connaître un futur sans biodiversité. Il propose un discours écologique différent, qui ne pointe pas du doigt, mais se positionne plutôt à la manière des maniéristes de la Renaissance.
« Allegoria, c’est l’allégorie d’un regret vers lequel nous allons en tant qu’espèce humaine si l’on continue de dépouiller cette planète de tout ce qu’elle a de végétal et organique. La mélancolie d’une nature qui n’existe plus, c’est bientôt. »
Il souligne par ailleurs qu’il y a très peu de représentations des Noirs dans l’iconographie écologiste, ces populations étant un peu à l’écart de cette conversation première pour nos sociétés contemporaines, « alors même que les terres où vivent les hommes et les femmes noirs seront les derniers champs de bataille dans cette lutte pour la préservation de la planète».